
À quoi servent nos émotions? Vous êtes vous déjà posé cette question? Pour les émotions positives, ce n’est peut-être pas naturel de se questionner sur leurs fonctions… c’est agréable et c’est suffisant! 😉 Pour les émotions négatives, par contre, la question se pose peut-être davantage. Personne n’aime être triste ou en colère. Cela peut même nous amener parfois à éviter ces émotions à tout prix.
Mais si on n’en retire rien de positif, à quoi servent-elles ces émotions négatives?
Dans les approches contemporaines de l’intervention, la place des émotions est très importante. On insiste de plus en plus sur l’idée de prendre conscience de ces émotions et de les laisser s’exprimer. Et il est possible de se demander en quoi cela peut vraiment nous aider que de prendre conscience de notre tristesse ou de notre colère. Ne vaudrait-il pas mieux essayer de penser positivement et essayer d’être heureux à la place? Est-ce que cela ne revient pas à ruminer son malheur et à s’enfoncer dedans?
En fait, toutes nos émotions sont importantes et ont des fonctions propres. Une grande partie du défi de bien gérer ses émotions vient précisément du fait de leur accorder la juste importance. Ni trop ni trop peu. Évidemment que l’idée n’est pas de se forcer à rester triste!! Mais l’idée n’est pas non plus de refouler cette tristesse.
On remarque de plus en plus que les émotions que l’on ne vit pas tendent à ressortir d’une façon ou d’une autre, parfois dans des contextes qui n’ont rien à voir avec celui qui a déclenché l’émotion originellement. Un bon exemple de cela pourrait être lorsque votre douce moitié revient du travail et se fâche pour quelque chose qui semble démesuré par rapport à la discussion. Peut-être qu’il s’est passé quelque chose au travail dans la journée et qu’en bon employé, votre chéri.e a pris sur lui/elle pour ne pas vivre son irritation au travail. Mais l’émotion est restée là, latente quelque part et prête à ressurgir lorsque la prochaine micro irritation se présentera.
Les parents peuvent aussi remarquer cela avec leurs enfants lorsqu’ils vont les chercher à la garderie. L’éducatrice peut leur dresser un portrait formidable en leur racontant à quel point leur progéniture a été un petit ange toute la journée. Tous fiers, les parents ramènent ledit ange à la maison en espérant que ce sera une belle soirée. Mais non… à la première contrariété, petit ange déclare la crise nucléaire du bacon par terre et explose de toute la force de ses poumons en se contorsionnant sur le plancher. Ça vous semble familier? Une des hypothèses pour expliquer ce comportement viendrait justement du fait que, toute la journée, pour s’adapter et garder l’amour de l’éducatrice et de ses amis, l’enfant accumule les irritations et les frustrations sans vraiment les vivre. Toute cette énergie qu’il prend à s’adapter fait qu’il ne lui en reste plus beaucoup lorsque ses 2 figures d’attachement principales, ces personnes qui sont supposées l’aimer inconditionnellement, arrivent à la fin de la journée. C’est donc là qu’il se sentira assez en confiance pour vivre toutes les irritations de la journée.
Ainsi, nos émotions non vécues ou non exprimées tendent à ressortir dans d’autres contextes. Mais pourquoi? Cela nous amène en effet au cœur de cet article : à quoi servent nos émotions?

Selon Ilona Boniwell et Aneta Tunariu, les émotions sont caractéristiques remarquables de notre vie psychologique quotidienne. Elles contiennent des informations importantes sur ce qu’il se passe à l’intérieur de nous, façonnent nos réponses aux événements et donnent une motivation à nos actions.
Plus spécifiquement, nos émotions positives telles que la joie, la gratitude, la sérénité, l’intérêt, l’espoir, la fierté, l’amusement, l’inspiration, l’admiration et l’amour nous permettraient de manifester des façons de penser et d’agir qui sont essentielles pour notre croissance et notre bien-être. Vivre des émotions positives nous permet d’être plus créatif et d’être en mesure de penser en dehors de la boîte (thinking outside the box). Les émotions positives nous aident également à voir les situations avec un certain recul et donc sous plusieurs angles différents.
Les émotions négatives contribuent, elles aussi, de manière significative à la richesse de notre vie intérieure. Certains chercheurs pensent notamment qu’en apprenant à tolérer davantage l’inconfort associé à nos émotions négatives, nous pourrons mieux décoder les messages qu’elles tentent de nous communiquer et apprécier davantage leurs enseignements. À titre d’exemple, l’ennui serait une manifestation qu’il y a une inadéquation entre la tâche que l’on fait et notre niveau de compétence. Si la tâche est trop en dessous de notre niveau de compétence, il y a fort à parier que nous ressentirons de l’ennui. L’émotion négative est alors un message pour nous dire que nous avons besoin de défis supplémentaires. C’est en ressentant et en écoutant cette émotion négative que nous pouvons avoir davantage d’informations sur ce dont nous avons besoin pour être plus heureux et nous réaliser.
Les informations que nous pouvons collecter en écoutant nos émotions négatives peuvent ainsi nous permettre d’améliorer notre vie en général, notamment en nous donnant des outils pour vivre davantage d’émotions positives. À titre d’exemple, la tristesse que vous ressentez devant la perte d’un être cher témoigne de l’importance et de l’amour que vous avez pour cette personne. Vous ne ressentiriez pas ces émotions négatives si cette personne ne vous avait pas permis de vivre plusieurs émotions positives. Ainsi, les émotions positives et négatives doivent être comprises pour leurs contributions aussi bien conjointes que distinctes au bien-être humain. Elles s’assemblent et se complètent pour nous donner une vie intérieure riche et nous aider à tendre vers ce qui nous permet de nous actualiser et de tendre vers la meilleure version de nous-même.

Dans ce processus pour comprendre vos émotions, il est important de vous rappeler qu’elles sont temporaires et qu’elles finissent toujours par passer. Qu’elles soient positives ou négatives, les émotions sont des états ponctuels et volatiles. Être conscient de vos émotions ne veut pas dire de prendre des décisions importantes en vous basant sur votre état émotionnel du moment! Cela veut dire d’essayer d’aller chercher l’information que votre émotion essaie de vous apporter et de faire peser cette information dans vos choix de vie.
Ce n’est pas quelque chose de simple à faire, mais reconnaître et exprimer ses émotions est un processus d’amélioration continu. Nous pouvons tous devenir meilleurs à ce niveau!
Bibliographie
Boniwell, I., et Tunariu, A., D. (2019). Positive psychology : theory research and applications (2nd edition). McGraw-Hill : London.
Frederickson, B. L. (2001). The role of positive emotions in positive psychology: the broaden-and-build theory of positive emotions. American Psychologist, 56(1). 218-226.
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